12 août 1994

‘’Papa on peut aller à la piscine municipale, on dit qu’il y a des compétitions de natation aujourd’hui ?’’ Je me tenais aux genoux de père parce que oui, j’étais vraiment petit à l’époque… enfin, comme tout enfant normal. Père était en train de lire le journal, comme d’habitude, devant la télé. Il devait bosser beaucoup, notamment pour avoir de l’argent, de l’argent, et encore de l’argent. À croire si ce n’était ce qu’il désirait dans la vie. Mes parents ont décidé de divorcer un peu avant noël l’année d’avant, et ça m’a fait beaucoup de peine, même pour un jeune homme de quatre ans qui ne savait pas ce qui lui arrivait. Père continuait de lire le journal, sans même me jeter un regard. ‘’Papa ? On y va ?’’ père lâchait un long et grand soupir qui se fit entendre dans toute la pièce, puis laissa tomber le journal sur ses genoux. ‘’Et si je t’inscrivais au club de natation à la place ? Je t’y emmènerai et j’irai te chercher dès que tu auras fini. Ça marche ?’’ La tristesse que je ressentais quant à l’indifférence de mon père devant ma question se fit remplacer par un grand sourire de joie alors que je sautais dans tous les coins de la maison. ‘’Ouais, t’es le meilleur papa ! Merci, merci, merci !’’ dis-je en chantant tout pleins de trucs incompréhensibles. Pour une fois, mon père avait fait quelque chose de spécial à mon effigie, quelque chose que je souhaitais depuis ma plus tendre enfance et il m’a inscrit au club de natation la journée d’après. Ce fut la première journée où je ressentais une vénération spéciale envers mon père, et probablement la dernière.

23 août 1995

‘’Regarde papa, je sais nager sans les flotteurs !’’ dis-je en agitant mes mains dans tous les sens. Alors que le cours de natation s’était terminé, moi et plusieurs autres petits enfants s’agitaient dans la piscine tandis que père me regardait d’un œil attentif, sûrement pour surveiller son enfant. ‘’Bon d’accord allez, il faut partir. Ta nounou t’attends à la maison.’’ Du coup, toute mon excitation s’était dégagé de moi. Je détestais les nounous, tout simplement parce que je croyais qu’elle allait remplacer le rôle de père dans mon éducation et que père ne passait pas assez de temps avec moi… alors qu’il avait obtenu la garde de son cher fils adoré. Je sortais tranquillement de la piscine par l’échelle, puis je pris une serviette pour me sécher. Je regardais papa, puis lui fit un petit sourire forcé. ‘’Papa, quand est-ce que je vais voir maman ?’’ ma question le fit surprendre à un tel point qu’il me regardait d’une drôle de façon, les sourcils froncés et son petit air qu’il semblait prendre lorsqu’il était en colère. ‘’Je ne sais pas. Pas tout de suite en tout cas. Allez, viens.’’ Dit-il en tendant sa main vers la mienne et en me convaincant sur le coup. Ma question en a valu le coup, puisque le lendemain, j’ai vu maman. J’ai passé la journée avec elle. Père lui a sûrement demandé, ou c’est elle qui a forcé père d’accepter de laisser son fils à son ex-femme pour seulement une journée. Elle m’a emmenée à la plage, et elle a nagé avec moi. Ce fut la première fois que nous avons nagé ensemble, et je devais dire que ce fut un moment très spécial. Si spécial que maintenant, à tous les jeudis de la semaine, mère m’emmenait soit à la plage, soit à la piscine pour passer une journée entière à se compter toutes sortes de choses et pour nager ensemble. J’adorais mère. Elle et son sourire. Sa grande présence. C’est elle qui m’a donné l’idée de devenir maître-nageur. Au début, je voulais devenir sauveteur en mer, mais j’ai changé d’avis. Parce qu’elle sait que je suis généreux. Elle connait tout de moi. Mais ces journées ensemble se terminèrent lorsque j’atteins l’âge de douze ans, puisqu’elle a décidé de partir pour Paris, où un grand contrat dans un hôtel l’attendait. Elle m’a promis de m’appeler tous les week-ends, ce qu’elle fit sans problèmes.

2 février 2008

L’aéroport, rempli de gens aussi divertissants l’un que l’autre, regroupant les gens de différentes origines et rempli de gens qui attendent avec impatience la venue de leur copain. Et dans cette foule de gens, il y avait moi. Le mec qui devait quitter sa copine pour qu’elle puisse être heureuse, et pour que nous souffrions moins. Je pris mon portable dans mes mains, mes mains tremblaient et je sentais mon cœur battre à toute allure. J’appuyais sur le nom de Brenny, alias la femme de ma vie, et je pressais mon portable contre mon oreille. Le stress commençait déjà à m’envahir, jusqu’à ce que j’entende la voix de ma petite copine. Je me rendis compte que je tombais sur sa boîte vocale. Je ravalais ma salive, puis décidais de me lancer dans mon message qui allait changer complètement ma vie. ‘’Salut Brenny. Je suis arrivé à Paris. Je… enfin, je crois que je vais rester ici quelques temps. Je suis désolé, nous deux ça ne marche plus. Au revoir.’’ J’éteignis mon portable d’un coup sec, et je levais les yeux au ciel pour y voir une pancarte ‘’Bienvenue à Paris’’. Je lâchais un long soupir, puis continuait ma route. J’avais déjà hâte de voir mère. Elle était devenue tout pour moi. Ma deuxième épaule, mon tout quoi. J’avançais lentement jusqu’à ce que j’aperçoive une tête familière, celle de ma marraine. Je m’élançais rapidement vers elle, puis le premier réflexe qui m’apparut, fut de la prendre dans mes bras. J’enfouissais ma tête dans le creux de son épaule, puis je laissais une larme couler. Je venais de rompre avec ma petite amie. Se voir une fois par mois, ce n’était pas suffisant. Notre relation était devenu une relation destructive, nos au revoir étaient devenus beaucoup plus difficile qu’avant, je devais mettre terme à cette relation. Je devais la laisser vivre. Au départ, ce changement de pays ne devait que durer une semaine, mais plus je voyais mère, plus j’étais heureux. Même si elle était dans un coma, rien ne m’empêchait de lui parler. Je devais être là à son réveil, et le fait qu’elle se réveille et que je ne sois pas là me fait peur, très peur. Je veux être à ses côtés lorsqu’elle se réveillera. Alors je me rendis à l’hôpital avec ma marraine peu après avoir sorti de l’aéroport.

22 février 2011

Mère se réveille enfin, et tous les médecins se précipitent vers cette dernière pour faire un rapport de son état actuel. Pendant quatre ans, elle a été dans le coma. Et pendant ce temps, pour oublier Brenny, je me contentais de coucher à droite et à gauche pour essayer de l’oublier, mais en vain. J’avais toujours son visage en tête. Chaque nuit, chaque soir. Et ça me tue de devoir penser à elle tout le temps, pourquoi ne puis-je pas l’oublier ? Le destin décline mon offre apparemment. Je fus présent lorsqu’elle se réveilla, et son joli sourire qui me manquait tant fis son apparition. Je lui rendis immédiatement son sourire et j’enroulais sa main contre la mienne. Je crois que ce fut l’évènement le plus marquant de ma vie. Heureusement, sa mémoire était parfaite. Enfin, je crois bien. Tout ce qui comptait, c’est qu’elle se souvenait encore de moi. À son réveil, je lui promis de l’emmener chez moi et lui faire manger un bon chinois, comme on le faisait lorsque j’étais jeune. Alors à sa sortie, elle a pris un taxi et j’ai pris mon auto. Je fis comme convenu et je refis mon apparition à mon appartement. Seulement, mère n’était pas là lorsque je fus arrivé chez moi, et je trouvais cela bizarre étant donné qu’elle s’était dirigé directement vers ma demeure. Ce fut l’arrivée des policiers qui me confirma sa mort directe. Une mort inattendu. Dieu n’avait pas digéré le fait qu’une jeune femme généreuse comme mère ne vive ne serait-ce que quelques années de bonheur en compagnie de son fils. Mère était morte, dans un accident de voiture. Un putain de camion lui a foncé dessus. En sortant de l’hôpital. Je ne crois plus en le bonheur absolu désormais.

28 mai 2012

J’ai décidé de revenir à Monte Carlo. Comme mère n’est plus de ce monde – et ça me brise le cœur de parler de la sorte - je peux enfin revenir à la normale, revivre la vie que je détenais avant. En fait, je suis revenu à Monte Carlo pour recoller les morceaux avec mon ancienne petite amie, Brenny, bien que cela puisse paraître insensé puisque j’ai rompu avec elle et que j’ai prétendu pendant toutes années l’avoir oubliée… mais en fait, on n’oublie jamais notre premier vrai grand amour. Je n’ai pas été vers elle en premier, mais lorsque je la revis, notre rencontre fut explosive. Si explosive qu’après quelques rencontres, on a fini par coucher ensemble dans les vestiaires de la piscine. Mais je ne sais pas en fait, où cela peut nous mener. Je sais que notre amour est encore là, mais comment le contrôler ? Une chose est sûre, je ne suis pas prêt de l’abandonner à nouveau.