Quelque chose d’humide et collant pour venir se glisser sous votre menton, c’est un réveil plutôt agréable. Un coup de langue joyeux, une petite tête qui se love contre la votre, un museau qui vous chatouille la joue. Il n’y a pas plus agréable réveil, car vous savez qu’il ne vous laissera pas tomber lui. « Humm…Atlas, oui oui, je suis réveillé ! Arrêtes donc de t’agiter comme une sauterelle… » Se réveiller dans une villa luxueuse bien trop grande pour une seule personne avait quelque chose d’aussi réconfortant que de nostalgique. Sans le personnel d’entretien, ni même Atlas, je me sentirai bien seul. Un loup solitaire qui enchaîne les conquêtes pour combler le vide que sa bien-aimée a laissé après son départ. Depuis que Delilah a rejoint l’au-delà bien trop tôt à mon goût. Mon premier et unique grand amour. Alors je suis là, maître de ces lieux débordant de luxure, à inviter dans mon antre des étiquettes mondialement reconnues, d’importantes personnes tout autant que des proches ou lointains amis. Quand je ne suis pas occupé par l’un de mes deux boulots et que le sommeil me fuit, alors je me cherche un peu de compagnie, de quelle que nature qu’elle soit. Que ça soit pour passer du bon temps avec une prostituée, boire un coup avec un joli brin ou simplement squatter chez un ami pour faire la causette, qu’importe tant que je ne suis pas seul. Mais au final, je crois que le seul être qui suffit à m’apaiser est ce petit compagnon à quatre pattes. Atlas, un chien vigoureux, qui entre dans sa neuvième année de vue et qui en a vu des belles et des pas mûres.

Est-ce que mes parents auraient pu me prédire un tel avenir ? A baigner dans la richesse et l’opulence ? Vous qui me croyez gosse de riches, enfant pourri gâté jusqu’à la moelle, détrompez vu. Je suis issu de la plus basse extraction, des quartiers pauvres, enfant d’une couturière et d’un ouvrier des voies publiques. Mes parents sont décédés dans alors que la maison venait de s’effondrer. Je le savais que cette baraque tomberait en ruine un jour où l’autre. J’avais 7 ans à l’époque et c’est chez ma tante que je trouvai refuge par la suite. Cette vieille gatte m’en a fait voir de toutes les couleurs. Pendant qu’elle partait travailler comme serveuse dans un bar de la ville, moi je me démenai pour gagner de l’argent en travaillant en noir. Je volais des voitures que je ramenai à mon vieux pote Alfred, un type pas clair si vous voyez ce que je veux dire. Quand je ne volais pas, je roulai les touristes dans la farine. Bref, je parvenais toujours à trouver quelque chose pour grignoter de l’argent. Comment ? Parce que j’ai toujours eu un foutu caractère qui m’a amené jusqu’en haut des échelons de la société. Gamin débrouillard, rusé et persuasif, faut dire qu’avec ma belle gueule, j’arrivai aussi bien à berner les vieux renards que les jeunes pimbêches. Et puis, même en cas d’échec, je ne me laissai pas décourager pour autant.

A côté de ça, il me fallait reconnaître que j’étais un gamin comme les autres, dévoré par des passions quelconques, obsédé par des rêves et égayé par beaucoup de choses. Accro aux bd marvel et comics, passionné par les motos, surtout les vieilles BMW, j’avais de quoi nourrir ma jeune âme d’aventurier. Adolescent, je finis par arrêter mes petits vandales pour travailler dans le garage d’un ami. Certes, en noir, mais au moins, je ne volais plus. A côté de cela, un agent artistique m’a proposé de poser pour lui. Le genre de type louche mais chiquement fringué qui vous accoste en pleine rue, alors que vous n’avez rien demandé. J’ai accepté. Au final, je valsai entre garagiste, modèle masculin et strip teaseur dans une boîte de nuit. Autant vous dire que mes journées, autant que mes nuits, n’étaient pas de tout repos.

Enfin, à 18 ans, je pris mon envol, m’enfuyant loin du repère de ma tante, cette vieille femme qui n’avait cessé de me pourrir la vie, pour vivre en colocation avec un pote mannequin dans un studio du centre ville. J’étais devenu un jeune mannequin réputé, mais cette carrière finit par me laisser. Les années passaient, j’entrais dans l’âge adulte, quittait ma carrière de mannequin pour travailler comme mécanicien dans une entreprise de BMW à quatre et deux roues. Une boîte qui affluait dans l’opulence, puisque très réputée sur l’île. Puis au fil des années, je passais de mécanicien à vendeur. Puis de vendeur à co-adjoint du boss. Entretemps, j’avais quitté le studio pour me payer un chic appartement, lequel fut bien vite habité par un jeune chiot du nom d’Atlas, mais aussi, j’avais découvert l’amour auprès de Delilah, une ingénieur de mon âge, nourrissant cette même passion pour la mécanique. Deux ans plus tard, elle disparut de ma vie dans un éboulement de rochers, alors qu’elle escaladait avec sa sœur une montagne. Sa disparition me broya et je passais les mois qui s’en suivirent à me souler au Whisky et à la Tequila. Puis, un jour, ce fut comme une gifle dans mon âme, comme un coup de batte contre ma tempe qui me fit lâcher ma bouteille de Jack Daniels. Celle-ci partit se briser au sol et moi, je retrouvai peu à peu la raison, la force de dépasser le stade de la déchéance pour aller de l’avant. C’est notamment grâce à mes amis et Atlas que je parvins à retrouver un emploi stable dans l’ancienne boîte d’où j’avais démissionné. Deux ans plus tard, mon boss pris sa pension et me confia les rennes de son entreprise. Pour lui, j’avais toujours été comme un fils. A mon sens, il fut le père tendre, ferme et affectueux que je n’ai jamais eu. Et voilà mon parcours jusqu’à aujourd’hui. Voilà environ cinq ans que je suis le directeur de la grosse firme de BMW implantée en plein centre ville. Je dois vous avouer aussi qu’entretemps, j’ai ouvert avec une de mes plus proches amies un cabaret. Un lieu prisé par les riches et accessibles au commun des mortels dans la mesure où ils ont de quoi payer l’entrée, ainsi qu’un costume pour avoir accès à l’intérieur. Mon amie en est le propriétaire, l’administratrice officielle puisque je n’ai voulu qu’en être le copropriétaire. Ensemble, nous sommes parvenus à faire gonfler les chiffres d’affaires en moins de deux ans. Qui ne connaît pas le ‘Moulin bleu?’, cabaret prisé par tous, où résident mille et un fantasmes.