« Monsieur et Madame De Cardaillac, j’ai l’honneur de vous annoncer que vous venez de mettre au monde la plus jolie des petites filles… » Cette petite fille, ils l’appelèrent Roxanne. Enfin, Roxanne Charlotte Juliette, mais oui, Roxanne. Jolie petite blonde, elle est la plus âgée d’une fratrie de trois enfants, où une petite sœur et un petit frère viendront combler à nouveau le bonheur de la famille De Cardaillac. Les De Cardaillac sont certainement l’une des familles les plus influentes de Monte-Carlo, ou de la principauté de Monaco en général. Ils sont très connus. En même temps, vivre dans un château entouré de trois jardins, d’une écurie et même d’un terrain de tennis, cela ne passe pas inaperçu. C’est dans cet environnement que Roxanne a grandi. Jamais la petite fille ne s’est plainte de ce qu’elle avait. Il faut dire qu’elle ne pouvait pas être malheureuse dans cette demeure. Il ne lui manquait rien, hormis l’amour de ses parents. Elle est certaine qu’ils l’aiment, seulement, ils ont une drôle de façon de le montrer. Roxanne est une petite fille ordinaire mais avec une vie extraordinaire. Extraordinaire pour certains, mais pas tant que ça pour la principale intéressée. Très proche de ses frères et sœurs, tous les trois ne vont même pas à l’école. C’est une dame qui vient leur faire cours à domicile, jusqu’à leur seize ans. Seize ans… âge où ils rentrèrent au lycée. Roxanne avait choisi un lycée simple, public, inintéressant même selon ses parents. Pourtant, elle s’y sentait bien. C’était sans compter sur la présence de Romain.

« Roxanne, peux-tu m’expliquer pourquoi est-ce que tu rentres si tard ? Je pensais que tu avais finis les cours depuis dix-sept heures ! » « Roxanne, ta mère a raison, c’est inconcevable ! Je vais devoir prendre des mesures si… » « Roxie, qu’est-ce qui t’arrives ? Tu n’es jamais rentré si tard, du moins, pas sans prévenir » Voila les phrases que Roxanne entendait quand elle rentrait tard le soir. Ils ne savaient pas pourquoi. Aucun d’eux ne se doutait qu’un garçon se cachait sous tous ces mystères. Romain. Un garçon si différent des autres. Si différent de tous ceux qu’elle avait bien pu rencontrer auparavant. Si différent d’elle. Romain n’appartenait pas au même rang qu’elle, c’est pourquoi elle cachait son identité à toute sa famille. Elle savait très bien qu’il n’y serait pas accepté. Il était trop… banal pour eux, mais tellement rare, remarquable, extraordinaire. Il connaissait Roxanne mieux que personne. Le fait qu’elle soit si différente de lui ne le dérangeait pas. Il l’aimait. Elle l’aimait. Elle passait tout son temps avec lui. Des escapades en amoureux, ils en avaient fait. Des balades au clair de lune, des promenades en bateau. Roxanne vivait comme dans un rêve. Elle avait trouvé sa perle rare. Puis elle avait du l’abandonné. Sans raisons, ou du moins, sans lui dire un mot.

« Tu iras à Birmingham, là-bas, tu retrouveras le Dr Cooper à la clinique et ils t’enlèveront cette… chose du corps ! » s’écria la mère de Roxanne quand elle lui avait annoncé être enceinte, de Romain. « Maman ! Ce n’est pas une chose, c’est un bébé ! Mon bébé ! » ne cessait t’elle de dire et de répéter. Elle savait pourtant qu’elle n’avait pas le choix. « Ce n’est pas un bébé ! Le seul bébé que je te permettrais d’avoir sera celui du prince héritier de Monaco, tu m’entends ?! » Roxanne n’en revenait pas. Alors pour eux, rien d’autre que l’argent ne comptait dans cette histoire. Pas les sentiments, pas ce qu’elle ressent, juste l’argent. Elle savait que ça fonctionnait ainsi pourtant, elle le savait. Elle le savait mais elle était tombée amoureuse de Romain. Plus que de n’importe quel autre homme insignifiant. Elle se retrouva donc en Angleterre, où elle fut contrainte de se rendre dans cet hôpital. Mais elle ne fit pas ce qu’on lui avait gentiment demandé. Roxanne décida de garder le bébé. Pendant neuf mois, elle le porta. Pendant neuf mois, elle vit dans une petite chambre, à l’abri des regards. Suivi par les photographes français, elle avait réussi à leur faire croire l’inverse. A leur faire croire ce que ses parents voulaient qu’elle fasse. Mais le bébé vint au monde ; et elle prit alors la décision la plus importante de toute son existence. Le faire adopter. Un couple de français, des plus banals certes, mais où sa petite fille serait heureuse.

« Roxanne, épouse-moi ! Epouse-moi et je ferais de toi la plus heureuse des femmes. Epouse-moi et je promets de t’aimer jusqu’à la fin de mes jours. De m’occuper de toi, d’être là, de ne jamais te quitter. Epouse-moi… » Roxanne regardait Grant dans les yeux. Elle semblait rechercher la vérité. Ils sortaient ensemble depuis quelques mois déjà. Il venait lui-aussi d’un milieu aisé. Mais anglais. Elle était tombée sous le charme de ce bel-âtre, semblant presque oublier cette histoire avec Romain. Elle se devait de tourner la page, et Grant était arrivé à ce moment-là. Comme un signe. Le destin. Elle ne croyait plus vraiment à cela, pourtant, ce jour-là, elle ne répondit qu’un seul mot : « Oui » Oui, elle voulait l’épouser. Oui, elle voulait passer le restant de sa vie à ses côtés. Peut-être qu’à 23 ans, on n’y connait rien à l’amour, à la vie, mais elle savait que Grant ferait parti de son avenir. Grand, beau, intelligent, riche, aimant, il avait toutes les qualités d’un gentleman. Il avait réussi à lui faire battre le cœur à nouveau. De plus, elle savait qu’il plairait à ses parents. Jamais ils n’oseraient lui demander de refuser, trop contents que leur fille se marie enfin, à un prince, aussi charmant que lui. Enfin presque.

« Grant, j’ai envie de rentrer en France, de revoir mes parents, ma famille… » Fiancés depuis quelques mois, Roxanne avait envie de bouger. De quitter l’Angleterre et retrouver Monte-Carlo. Et tout ce qu’elle y avait laissé. Elle savait qu’il accepterait, Grant acceptait tout. En fait, il ne lui refusait rien. Il lui achetait tout ce qu’elle désirait. Lui offrait monts et merveilles. Sans jamais rechigner. Jusqu’à ce jour, où il éleva la voix sur son épouse. « Et moi, je n’en ai pas envie ! Et puis, j’en ai assez de tes caprices ! » Elle ne comprenait pas sa réaction. Pourquoi était-il si méchant avec elle, et arrogant ? Lui qui s’était montré tout à fait charmant jusqu’à maintenant ? « Qu’est-ce… qui t’arrive ? Pourquoi tu me parles sur ce ton ? » lui demanda t’elle, aussi énervée que lui désormais. Jamais Roxanne ne se laisserait faire par un homme. Non jamais. Du moins, c’est ce qu’elle croyait… Ce soir-là, il la frappa pour la première fois. Et elle n’avait pas su riposter. D’abord, parce qu’il était plus fort qu’elle, et ensuite, parce qu’elle l’aimait. Vraiment. Et qu’elle n’avait pas envie de le perdre. En fait, elle savait que si elle le perdait lui, tout son monde s’écroulerait. Elle l’avait déjà vécue, une fois, et ne voulait pas que ça recommence. Il la frappa une nouvelle fois, un nouveau soir où il était rentré ivre mort chez eux. Son comportement avait changé. Il n’était plus le même homme, mais Roxanne était soumise même si elle ne le voulait pas. Personne n’était au courant. Pour l’instant. « Roxanne, mon amour, où es-tu ? » entendit-elle dans toute la maison. Grant était méchant et violent avec elle, mais pas tout le temps. C’était par période. Et dans ses moments-là, comme aujourd’hui, quand il l’appelait mon amour, elle lui aurait donné n’importe quoi. Elle aurait fait n’importe quoi pour lui. « Oui ? » demanda t’elle simplement en descendant les escaliers. « Va faire tes valises, on rentre en France… Je crois que tu as des fiançailles à annoncer à ta famille » lui dit-il avec un grand sourire. Elle lui sauta dans les bras avant de l’embrasser. Elle allait rentrer en France, enfin. Avec Grant, et retrouver ceux qui lui manquaient tant.